30/03/2011

Lettre à André Rossinot, Maire de la ville de Nancy


Monsieur le Maire,

Je me permets de vous écrire suite à un article paru dans l’édition de l’Est Républicain du 26 février 2011.

Les récents problèmes au Japon ont néanmoins tempéré l’envoi de ce courrier en regard d’une situation de catastrophe, imposant une hiérarchie naturelle dans les sujets prioritaires.

Comme beaucoup de Nancéiens j’ai découvert au travers de cet article le projet de requalification de la place Henri Mengin : ce n’est pas le projet d’urbanisme qui motive mon courrier mais l’implantation d’une statue équestre de Charles III au cœur de ce nouveau dispositif.

En ce début de XXI° siècle, je reste perplexe devant le choix d’une installation d’un genre, somme toute, tombé en désuétude depuis bien des décennies, même si je comprends l’intérêt des Nancéiens et de la municipalité pour des célébrations liées à la Renaissance et à un hommage posthume à Charles III.

Pourtant je conçois mal que le style de cette implantation soit représentatif d’une cité se tournant vers la modernité.

Nancy accueille déjà trois statues équestres et une quatrième ne sera sans doute qu’un nouvel opus à une série existante : Duc Antoine, porterie du palais Ducal-1512, René II, place Saint Epvre -1883, Jeanne d’Arc, rue d’Amerval1890.

Dans un raccourci, le projet de cette statue a été présenté au conseil municipal en ces termes : «… place sur laquelle l’installation de la statue du duc de Lorraine permettra d’ancrer l’identité de ce passé prestigieux et d’aboutir à une réelle lisibilité historique de cet ensemble urbain inédit. »

Cette déclaration d’intention tient plus de la formule, que d’une quelconque réalité tangible, en témoigne le patchwork architectural qui compose la place et ses environs immédiats, (église Saint Sébastien 1730, marché central 1848, Centre commercial Saint Sébastien 1976, commerces et bâtiments divers en horizon).

Nous sommes loin d’un ensemble cohérent tel celui de la place Stanislas qui est aujourd’hui une réussite exemplaire au cœur de tous.

Le vote du projet à la majorité et le silence suite à sa publication reste pour le moins désarmant, surtout en ce qui concerne les acteurs privilégiés du monde artistique et des arts plastiques en particulier.

Pourtant aux détours de conversations informelles à ce sujet, nombre de Nancéiens rencontrés semblent plongés dans une fatalité désespérante qui vaut sans doute quitus aux décisions prises loin d’eux-mêmes et de leurs préoccupations les plus vives.

Quels symboles sont perceptibles dans cette statue et en quoi les générations confondues pourront nouer un lien intellectuel ou affectif avec ce monument ?

Ce n’est pas l’esthétique de l’ensemble équestre que je remets ici en question, mais bien la question du sens, offerte aux passants et usagers de l’espace, ceux d’aujourd’hui et ceux de demain.

Pour ce qui est des statues équestres, ce type de représentation était réservé aux monarques, héros ou guerriers conquérants, posant en majesté au cœur des grandes villes, avec pour fonction de célébrer les grands hommes qui ont forgé l’histoire.

Le cheval est dans cet exercice la métaphore du pouvoir, un instrument de prestige, mettant à distance respectable le citoyen ordinaire, mais il conviendrait à un historien de l’art d’en faire un historique plus complet en donnant des clés de lecture plus pertinentes et …autorisées.

Ma réaction spontanée et légitime de citoyen est de vous demander simplement si, au vu des sommes conséquentes allouées à l’érection de cette statue, ( Près de Un Million d'Euros ), une consultation organisée n’aurait pas été l’opportunité d’impliquer nos concitoyens dans un projet partagé, au-delà de l’inscription dans la reconduite d’un projet historique ancien qui, s’il est, peut-on dire rassurant et rationnellement construit, me semble manquer singulièrement d’élan vers l’avenir.

Pour tempérer un « trop de modernité » et en voulant faire un trait avec la Renaissance, un personnage crée par Jacques Callot, représenté en trois dimensions, n’aurait-t’il pas eu un réel impact visuel plus innovant, plus attachant ?

Ne pouvait t’on pas aussi s’affranchir de la période Renaissance pour présenter un ou des personnages de Grandville par exemple, toujours d’une rafraîchissante actualité et donner ainsi un peu de lustre iconoclaste à la solennité ?

Au-delà de l’hommage rendu à des artistes ayant donné des lettres de noblesse à notre ville, il me semble que ces exemples gardent vivantes des préoccupations de notre société d’aujourd’hui au travers d’évocations sans âge, de créations intemporelles, de silhouettes inoubliables attachées à notre culture et faisant partie de notre patrimoine.

Ce ne sont que quelques idées parmi d’autres.

N’aurait–il pas été possible d’envisager un appel à projet international auprès d’artistes contemporains ? Le budget voté le laisserait penser.

N’aurait-on pas ainsi apporté une impulsion vers la modernité en donnant, de surcroît de l’écho et de la lisibilité aux projets ambitieux de notre ville ?

Il ne s’agit pas ici de réanimer une guerre des Classiques et des Modernes, car ce n’est pas ici la question du beau qui pourrait être débattu.

Pourtant un constat est assez évident : à ma connaissance, la contribution de ce siècle passé concernant l’apport nouveau au patrimoine artistique Nancéien, hors bâti, est quasiment inexistante, hormis une sculpture place de la République et une intervention de F. Morellet sur la façade du musée des Beaux Arts.

Aujourd’hui de nombreuses villes françaises et européennes ont inscrit dans leur espace des créations contemporaines, sans complexe ni a priori, se réappropriant parfois les légendes qui ont bâti les mémoires des cités et régions.

Le message que reçoivent implicitement les Nancéens est l’abandon à notre ville voisine le soin de faire flotter l’étendard de la création et d’une culture contemporaine, comme s’il convenait à Nancy de se tourner désormais culturellement vers son passé.

Pour la place Thiers, il se posera les mêmes questions, et peut-être arriverons-nous à échapper aux évidences d’hier qui imposaient au lendemain d’une époque cruelle pour certain, un personnage devenu politiquement incorrect un siècle plus tard.

Je vous remercie de l’attention que vous porterez à ma très sincère implication dans la réflexion sur l’espace urbain quand il oriente l’imaginaire de ma ville vers le passé et manque, par là, la marche vers le futur et l’inscription assumée dans le présent.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de ma considération la plus distinguée.

daniel Denise

6 commentaires:

  1. merci
    Nancy aurait besoin de plus de réflexion dans ces choix
    bravo et encore merci

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  2. Maria Escobar31/03/2011 16:15

    BRAVO ! On devrait faire une lettre de pétition aux "nos confrères politiciens de l'art à Nancy" pour mettre en place un espace d'exposition d'art contemporain sans frais* au bénéfice des jeunes artistes contemporains (pas de peintres du Dimanche, il existe déjà beaucoup des espaces pour eux). L'argent sera plus utile à ce fin, je pense....

    *Galerie 9, espace affaires culturelles à Nancy, 150 euros/semaine.

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  3. La politique culturelle de la mairie pour les artistes Nancéiens n'est pas l'objet, ni du blog, ni de mes interventions. Il appartient à chacun de déposer ses demandes et projets à qui de droit et de réagir en conséquence.
    Le projet de statue équestre ne concerne pas que les artistes ou plasticiens, mais tout le monde et la question posée n'est pas : que faire de cette masse supposée d'argent, mais que mettre en lieu et place de cet ensemble équestre et à quel coût ?

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  4. S'il y avait en ce lieu et place un jardin à cultiver, ce serait pour moi un potager, de la terre au lieu de pavés pour potée versus empotés

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  5. J'aime l'idée d'une statue hommage à Callot ou Grandville.
    On peut aussi vouloir honorer un immense homme politique et urbaniste en chef de Nancy à la fin du XXème siècle et du début du XXI ème avec une statue de ce personnage sur une monture dotée d'un grand avenir :
    "ROSSINOT à Vélo".
    (Bien qu'une décapotable serait plus en phase avec sa politique.)
    Il ne reste plus qu'à trouver un caricaturiste digne de Callot et de Grandville.
    Ainsi on concilierait l'objectif de la ville d'honorer un personnage "historique" avec la modernité de l'œuvre.

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  6. Mes respects Monsieur le Maire ,je suis un papy de votre generation "67"ans,il se trouve que les élections municipales auront lieue,en mai 2014,mais voilà ,je vous ai croisez au fpa et apres une cordiale poignee de main je vous re-croise au parc Bonnet entre 11h30/45,a Nancy le 02/06/2013,lors du vide grenier du quartier,vous m'avez agonie, et dechu de mes droits civiques de ce fait je crains ne pas pouvoir etre present afin d'accomplir mon devoir de citoyen pouvez vous monsieur le maire me dire et m'expliquer ,le pourquoi,et le comment de votre attitude et me preciser si je pourrai enfin retrouver mon honneur ,et mes droits ,heureusement monsieur que vous ne m'avez pas dechu de ma nationalite acquise le 06/01/1946.98 avenue de strasbourg a Nancy en attendant monsieur le maire de Nancy,veuillez agreer ,mon profond respect monsieur cherville christian PS je me tiens pour plus amples renseignements a votre disposition

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